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Au presque quotidien
30 octobre 2014

séquence "émotion"

Je venais de couper le contact de ma camionnette pleine de feuilles. Il se tenait sur le perron de ma maison, le vieil homme. Il me regarda. Je le regardai. "Bonjour, dit-il, je suis Camille, le frère de Joseph qui vous a vendu cette maison. Je suis né ici, voilà 85 ans. Je ne suis plus venu depuis mon mariage, en 1957. Puis-je entrer? Puis-je visiter? Vous savez, parfois, dans mes rêves, je me revois ici. Comme je n'en ai sans doute plus pour très longtemps, je me suis permis de vous rendre visite, pour revoir les lieux de mon enfance. Puis-je?" Evidemment, qu'il pouvait, Camille. Dans le salon, la pièce dans laquelle on entre "en premier" lorsqu'on ouvre la porte, il s'est écrié:"ça a bien changé parce que, de mon temps, ici, il y avait...". Nous avons visité la maison, de la cave au grenier, de la grange aux étables. Tout fut passé en revue, même le jardin! Il a parlé sans discontinuer - sauf quand il portait à ses lèvres le verre de vin de Loire (amené par un ami qui habite par là) que je lui avais proposé et qu'il avait accepté avidement - durant près de trois heures. Il m'est rarement arrivé de sentir un telle émotion chez quelqu'un. Des larmes coulaient à l'évocation de sa vie chez moi, qui, le temps de sa visite, est redevenu chez lui. Des anecdotes, des petites histoires, les conflits avec les voisins (la méchanceté d'Untel, la roublardise de l'autre) et, j'étais sûr de ne pas y échapper, la guerre (Il m'a donné bien de la matière pour ce blog)! Il était intarissable. Il est maintenant "homme de compagnie" pour certains malades ou vieilles personnes qui le lui demandent. On le paye 2 euros de l'heure, plus le carburant, quand il doit conduire quelqu'un au supermarché ou chez le médecin..."Je ne sais pas rester sans rien faire. Vous savez, j'ai travaillé toute ma vie, parfois même le dimanche". Il vit de cela, faisant- quand même - plus de 1500 kms par mois. "Mais je vais devoir repasser mon permis (il dit "repasser" or, à l'époque, quand on avait 18 ans, on ne le passait pas: il était donné à tout qui assurait savoir conduire) car j'ai été opéré de la cataracte. J'ai un peu peur". Il m'a quitté, m'assurant de son retour prochain car, me dit-il, "je possède une peinture de Mr. Courtois qui représente la maison. Je vous la montrerai".

Sans rire, je suis tout retourné! Je me dis aussi que certaines "drôles de choses" sont arrivées ici, chez moi, car comment comprendre que Camille ne soit plus venu, même en passant, depuis 1957 alors qu'à vol d'oiseau, il habite à 3 kilomètres?      

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Commentaires
M
Je n'en aurais pas envie non plus : rien ne me rendra le plumetis blanc et l'orange... (à bon entendeur....)
M
Très étrange coïncidence : (l'ironie des choses) une vieille dame (82 ans) est venue chez moi la semaine dernière, elle était née dans ce qui est aujourd'hui mon arrière-cuisine, y a grandi.... Elle habite encore plus près de chez moi que ton Camille mais elle n'était jamais revenue "voir". Elle aussi m'a parlé de la maison, de ce qu'elle est devenue pendant la guerre, partagée entre de multiples familles et des réfugiés lorrains et alsaciens. Les premiers étaient pro-hitlériens, logés à l'étage. Les seconds, non, installés au rez-de-chaussée......
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