Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Au presque quotidien
23 août 2014

Peintre

Verviers. Un troquet comme tous les autres si ce n'est que celui-là s'appelait " Les blés d'or", qu'il était tenu par Claude et que c'est là que nous allions commander nos bières et notre sandwich au thon-mayonnaise tous les jours midi, lorsque nous travaillions ensemble, mes frères et moi. Un café d'habitués: toujours les mêmes têtes (Yvan, un guichetier de la proche poste; Patrick, dans les assurances;...) et aux mêmes places (Yvan au bar; Patrick près de la fenêtre). Et nous sur la banquette au milieu. Au fil du temps, au hasard des rencontres et des discussions, vantant partout les bienfaits des sandwiches au thon de Claude (parfois, à la façon thaï, elle ajoutait une pointe de curry), "Les blés d'or" firent le plein d'indépendants de toutes sortes: maçons, peintres en bâtiment, menuisiers... ce qui donnait lieu à des discussions très épiques sur nos statuts, nos pensions, les clients difficiles. Les anecdotes pleuvaient, les historiettes se suivaient à un tel rythme que, parfois - la quantité de bière aidant aussi - nous oubliions l'heure et les clients et omettions de retourner au travail. Les jeux de mots, souvent d'un niveau très élevé, se percutaient. Chacun en prenait pour son grade. J'étais le plus âgé de toute cette clique. On me surnommait "tonton". Personne n'ignorait que nos principales activités, en saison, se résumaient à la tonte et à la taille. La sublitilité de Jacques, peintre en extérieur, lui fit me poser cette question: "Dis, tonton, ton thon thaï tond, taille?" Ce même peintre, un jour qu'il était particulièrement maculé, barbouillé (la pauvre Claude devait balayer son café après notre passage: boue et herbe, sciure de bois, limaille de fer s'éparpillaient sur le sol) s'écria, en montrant ses vêtements de travail: "Merde! Ma femme va encore m'engueuler: j'ai une tache de propre".

Cette histoire de peinture me rappelle une visite que nous avions faite au monastère de Ostrogh, au Monténégro. Une merveille de construction mais une horreur: les marchands du Temple étaient là. Des centaines de boutiques vendaient des icônes, des peintures, bref, tout ce que l'on peut trouver à Lourdes ou ailleurs... en pire. Un monde fou. Du kitsch à  rire ou à vomir... bref, nous ne sommes pas allés plus loin que le parking très encombré. C'était l'époque où je ramassais de jolis morceaux de bois. Je les polissais puis les peignais au gré de ce qu'ils représentaient pour moi. Un jour, dans le bas-fonds d'une vieille bicoque de jardin, je trouvai un vieux morceau de porte d'armoire en chêne pas massif: les motifs sont collés, complètement riquiqui et rococo, cucul, quoi et caca d'oie! Les motifs en étaient religieux. La cliente me la céda sans broncher: "Que voulez-vous que je fasse de ce truc ridicule?" J'en ai fait ce qui suis. J'ai intitulé ce chef d'oeuvre: "Souviens-toi d'Ostrogh".

Peinture sur bois-0211

   

Publicité
Publicité
Commentaires
C
Elle est très belle, en effet, cette porte, et j'aime bien aussi les blagues du peintre. la "tache de propre", c'est excellent.
M
Hé bé.
J
J'ai trouvé une vieille porte d'armoire. Je me suis amusé à la nettoyer puis à la peindre, pour rire, parce qu'elle était tout autant riquiqui que rococo, rucucu, racaca. <br /> <br /> Le reste, JE M'EN TAPE A UN POINT TEL QUE C'EST MEME COMPLETEMENT. <br /> <br /> Compris?
M
C'est bien ce qui me chagrine, le rococo comme le baroque sont hostiles à la symétrie. Ils sont plutôt du côté de l'irrégulier, de la prolifération créatrice. "Le baroque contient toujours, dans son essence, quelque chose de rural, de paysan, Pan, dieu des champs, dieu de la nature, préside à toute œuvre baroque authentique."<br /> <br /> <br /> <br /> Ce serait intéressant d'avoir l'avis d'un connaisseur.
M
Drôlement patouillé le panneau! Le rococo était hostile à la symétrie : en ce sens, tu as parfaitement réussi (ou alors es-tu tombé dans le panneau avant séchage?) Faut-il se souvenir d'Ostrogh ou d'Ostrog?
Au presque quotidien
Publicité
Archives
Publicité