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Au presque quotidien
15 octobre 2014

La gloire

Qu'est-ce que la gloire, pour un écrivain? L'autre soir, dans ce refuge dit "du pré Mollard" au-dessus de Grenoble, j'ai rencontré un couple bien sympathique. Marcheurs sportifs, montagnards, une fin de cinquantaine d'années, féru de littérature, ils faisaient partie du public venu assister au spectacle "M'enfuir m'amuse" dans lequel je retrace, par le biais d'une fiction, la remontée du canyon Mrtvica au Monténégro. Dans les discussions-échanges qui ont suivi, ils m'ont signalé que, depuis qu'ils avaient lu mon livre "Shimshal par delà les montagnes", paru en 1995, leur rêve de voyageur était de se rendre là-bas. L'été dernier, ils l'ont réalisé et se sont rendus à Shimshal (Nord-Pakistan, près de la frontière chinoise). C'est-y pas mieux que l'prix Nobel, ça?

N'empêche, ce qu'ils m'ont dit du présent de ce village m'a quelque peu estomaqué. Qu'on ne se méprenne pas sur le sens des propos qui suivent: je ne suis nullement passéiste et je suis heureux pour les habitants de Shimshal. C'est mon esprit "aventurier, découvreur" qui tape sur les lettres du clavier. Les trois fois que je me suis rendu là-bas, il fallait quatre jours de marche; aujourd'hui qu'une route est construite: 4 heures de jeep. Evidemment, à l'époque, pas d'hôtel, pas d'électricité, pas d'eau courante, pas de tracteur, pas de TV, pas d'antenne téléphonique, pas de relais pour téléphones GSM, pas d'hôpital, pas de... pas de... Aujourd'hui: si. A cinq jours de marche plus loin, plus haut (5100 m d'altitude) se trouve l'alpage. Chaque printemps, les femmes et les enfants y montent avec tous les yacks, toutes les chèvres et les boucs, les brebis et les béliers. J'ai eu l'immense chance de pouvoir me rendre là-haut. C'est magnifique: on ressent le poids de la terre, on sait d'où l'on naît. Tout le monde qui vit là redescend au village en octobre, après six mois de presque solitude. Les jeunes d'aujourd'hui, attirés par je-sais-quoi-et-vous-aussi, ne veulent plus monter là-haut. Ils y vont encore, quelques jours, de temps en temps, malgré eux, obligés par les parents pour amener la farine, le riz... "Dans une génération, me dit Annie, c'en sera terminé de l'estive". Bien triste, moi.    

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Commentaires
A
Et ce n'est ni la télé ni les routes goudronnées qui les rendront heureux.<br /> <br /> Pareil partout disiez-vous tout à l'heure...<br /> <br /> Quand on parle ici de défendre des terres agricoles contre les appétits immobiliers, encore faudrait-il qu'il y ait des gens désireux de les travailler, ces terres "nourricières"...qui sont très basses, comme vous le savez. <br /> <br /> Alors on vend au plus offrant et lorsqu'on a plus d'argent, on va faire le loufiat chez les richards à qui on a cédé son patrimoine.
M
Moi aussi, j'aime bien ton livre Shimshal et la manière dont tu as ressenti et traduit un certain art de vivre... J'imagine sans peine qu'il ait pu susciter des envies et des départs. <br /> <br /> Dans la petite ville de K. dont j'ai parlé ailleurs, où l'on vivait beaucoup de la pêche traditionnelle, on a trouvé des mines de diamant... Alors imagine le total chamboulement de cette ville : les requins font la loi, les armes crépitent pour défendre des territoires, on se bat pour être exploité dans les mines, on abat la forêt pour faire des routes bitumées...
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