Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Au presque quotidien
18 mai 2014

J'suis malade ou quoi?

Un combat de pies - c'est la crise du logement, sans doute - m'éveille à 5h30. Impossible de me rendormir: Je me lève
à 5h50. Je profite du lever du soleil et du silence de mon village encore endormi, lapant mon premier café sur le perron. Il fait frisquet, délicatement. Les oiseaux se chamaillent dans le lierre, parfois hystériquement. Petit-déjeuner avalé, je me sens soudainement envahi par une envie de "faire" quelque chose de ces heures supplémentaires offertes à ma journée. Dans un premier temps, je sors de la grange où ils sont entreposés la plupart de mes outils professionnels. Je nettoie, j'astique, remplace les huiles, aiguise - même les lames des taille-haies, c'est dire!). Il est bientôt 9 heures. Ouverture du supermarché. J'y fonce afin d'acheter de quoi déjeuner et dîner. C'était sans compter sur ma frénésie. Je suis sorti de là avec la bouffe, évidemment, mais avec des boîtes contenant le nécessaire pour laver la salle de bain, le parquet de la cuisine, le tissu de mes fauteuils, les vitres. De la cire aussi. Rentré à la maison, je m'y suis mis: frotti-frotta, partout. Vers 16 hrs, je me suis souvenu que, quelque part, j'étais aussi un petit peu intellectuel et qu'un ami, directeur de revue littéraire, m'avait demandé d'écrire un texte d'une page (2000 signes maximum) que je devrai lire dimanche prochain dans une librairie bruxelloise. Le thème était imposé: VIVEMENT CHEZ NOUS!Trente minutes plus tard, il était pondu (Je vais le joindre à ce mot tout en sachant que des bribes de ce texte ont déjà été écrites ici ou par mail pour certains d'entre vous) . Seize heures et quarante minutes. Que vais-je faire? Ben nettoyer le four, cela va sans dire!C'était répugnant! Dix années au moins que cela n'avait plus été fait. Un jus infâme s'écoulait de cet engin. Cela fait, j'étais bêtement content de moi: ma maison semblait neuve! 17h30, l'heure de préparer le dîner (et donc resalir le four, le plan de travail, deux casseroles... C'est que je n'ai pas quatre bras, savez-vous et cent fois sur le métier il faut remettre son ouvrage. Me voilà débarrassé du poids de la poussière, tout en sachant qu'un jour, c'est cela que je deviendrai. Qui époussettera?

.VIVEMENT CHEZ NOUS !

 

Tu parles ! Jusqu’à l’âge de 18 ans, j’ai vécu la peur au ventre à l’idée de rentrer « chez nous », dans la maison familiale. Dès notre retour de l’école, notre père nous attendait, mes frères et moi. Pas un « bonjour » ni un « comment ça s’est passé ? » Non : « Journaux de classe ». Devoirs, leçons, sans un mot, sans une aide de sa part. Il nous regardait, la mine renfrognée. Un jour, je devais avoir 8 ans, je ne savais plus combien coûtait un demi kilo de café alors qu’un kilo se vendait 50 francs belges (un trou, quoi !). Il m’a massacré à coups de poings et de pieds. Je suis tombé dans le coma, y suis resté pendant trois jours. Le soir – nous dormions dans une chambre commune au second étage – si nous faisions du bruit- il arrivait en trombe dans la chambre et hurlait « culs en l’air » et nous battait jusqu’au sang avec sa pantoufle ou sa ceinture. Il poussait la perversité jusqu’à se poster sur le palier du premier, attendant que nous nous disputions ou que nos éclats de rire le perturbent. Ainsi, il arrivait plus vite et comblait sa pulsion de bourreau. Pire : lorsque nous revenions avec une mauvaise note, il s’installait à la table de cuisine, retroussait la manche droite de sa chemise, posait le coude sur le meuble et, d’un signe de tête, nous obligeait à participer contre lui à une compétition de « bras de fer ». Gagnait-il (comment en aurait-il pu être autrement : nous n’étions pas encore adolescents ?) qu’il nous battait. Il en allait de même lorsque nous revenions sans médailles des compétitions sportives auxquelles il nous avait inscrits (gymnastique, natation, tennis, football). « Mens sana in corpore sano », disait ce salaud.

 

« Vivement chez nous ! » dites-vous ? « Chez nous » c’était aussi l’école où nous retrouvions nos amis, nos potes. Les jésuites du collège St-François-Xavier de Verviers (Je les hais, qu’ils crèvent tous dans d’atroces souffrances impossibles à atténuer, qu’on les mettent tous cul nu sur une chaise percée sous laquelle on mettrait une caisse emplie de rats affamés) faisaient preuve d’une humanité et d’un souci de pédagogie hors du commun. Chaque samedi matin, nous recevions notre bulletin. C’était une carte, format postal. Les élèves qui avaient obtenu plus de 90% des points recevaient une carte dorée puis, au fur et à mesure de la dégradation des points, une rose, une bleue, une verte. La dernière (moins de 50%) était de la couleur de l’Enfer : rouge vif. Celle-là, le professeur-jésuite (rien qu’écrire ce mot me rend malade et me donne l’envie de devenir un terroriste très ciblé) ne la remettait pas en mains propres : il la jetait par terre, humiliant ainsi cet imbécile d’élève.

 

Plus tard, je me suis inscrit à des stages d’escalade, puis de haute montagne. Quinze expéditions en Himalaya, quatre au Kirghizistan, Patagonie, Sibérie, Montagnes rocheuses… j’ai parcouru le monde. J’ai ressenti la peur, évidemment. Très souvent. Mais je connaissais cette angoisse déterminée, d’expérience – au vécu de ce que j’ai raconté tout à l’heure. En montagne, je n’ai jamais eu peur d’avoir peur. Simplement, lorsque je tentais de faire fondre la neige pour délayer le contenu d’un sachet dans de l’eau chaude, sous la tente, par moins vingt ou moins trente-cinq degrés, je me disais souvent : « Vivement chez moi » JCLegros  18 mai 2014

 

           

 

 

 

      

Publicité
Publicité
Commentaires
J
Vaste question qu'est la vôtre! Certes, la psychogénéalogie existe... mais elle me paraît trop souvent tirée par les cheveux ex: un bonhomme est coincé dans un ascenseur. Il parvient à ouvrir les portes et se faufile par l'interstice ainsi créé. Au moment où il passe la tête, la machine se remet en route. Il est écrabouillé. Une étude de sa famille a prouvé que son arrière-arrière-arrière grand-père avait été décapité. Et donc admissible que cet accident ait eu lieu! Quand je vous disais que c'était tiré par les cheveux!!!
I
Un témoignage émouvant de cette enfance malheureuse qui vous a fait voyager dans de belles contrées et dans l'extrême, ce que vous n'auriez peut-être jamais fait si vous aviez eu des parents aimants ?<br /> <br /> Je crois profondément que nos mentalités viennent de nos ancêtres, au fil du temps, ils doivent évoluer mais comment le savoir ?<br /> <br /> Vous voici revenu dans un endroit que j'espère serein et... non, vous n'êtes pas malade, il faut prendre soin de votre chez vous, il est précieux ...<br /> <br /> J'ai bien aimé vous lire, je reviendrai ...
J
Ne me prenez pas pour ce que je ne suis pas: je bosse aussi pour payer mon supermarché...et si des revues me publient, c'est toujours bénévolement de ma part. Et nettoyer ma maison n'arrive pas souvent, j'avoue. Ma petite bagnole, c'est une fois l'an, juste avant de passer au contrôle technique. Quant à "avoir un mec comme moi à la maison", ce serait invivable pour la majorité car je suis un vieil ours très solitaire...et surtout, je reste comme je me sens devoir être. Ceci dit, merci de votre commentaire. Vous n'avez toujours pas répondu à ma question: que veut dire "bye bye bouboules" à propos d'Anton....
S
Beaucoup, en lisant ce texte, ont du pensé "Ah comme j'aimerai un mec comme çà à la maison" mais moi je préfère gardé ma poussière et je voudrais vivre dans ta peau, juste pour avoir un ami directeur de revu littéraire qui me publie... <br /> <br /> Mais voilà, moi à 5h50 je suis déjà au boulot, car mes mots resteront toujours juste les miens. <br /> <br /> Mais au moins je bosse pour payer le supermarché, et ça c'est déjà énorme.
T
Toutes mes excuses : je n'ai pas cliqué au bon endroit pour le commentaire....
Au presque quotidien
Publicité
Archives
Publicité