l'art est-il utile?
Ou: peut-il l'être (où peut-il être, l'art utile? Dans la routine?)? Bof. Cela fait des semaines qu'elle me tanne le cuir
(disons qu'elle me tanne autre chose qui commence par les deux mêmes lettres mais ici, je ne peux pas: auto-censure).
- Dis, Jicé, pour Noël, on reçoit mes gosses et mes p'tits-gosses. Faudrait faire un sapin, décorer, je sais pas, moi
(si, elle sait très bien), quéq'chose...
- Non. Je déteste cela. Non, non et non. Il faut que ces gens sachent, se rendent compte que sur terre existent des
personnes qui ne respectent pas les dieux, qui font fi des convenances et qui n'ont pas besoin de fêtes guirlandées et de
boules multicolores. Je suis comme cela, impie, et gnagnagni et gnagnagna.
L'affaire semblait close. Hier, errant dans le fouillis de mon étable humide, là où je stocke mes fabrications boisées,
je me suis rendu compte qu'elles devenaient perlantes, suintantes. Sans tarder, il fallait que je les entasse dans un
recoin du salon toujours chauffé. Je les y mis en vrac, à la va-vite, n'importe comment puis, les jaugeant, les regardant
ainsi empilées je me suis dit que, tant qu'à faire, autant tenter ma tête d'esthète têtu et d'agencer ce fourbi. Ce ne fut
pas commode... mais je parvins à allier mon désir de rangement et l'envie d'un décor de Noël. Ce qui provoqua un
énorme fou-rire, d'autant que la Mamy fut accueillie avec "Dou-ouce nuit", que je jouai à l'accordéon vêtu d'une
grande cape rouge.
Tout le monde était content.