"Le silence de la campagne". Tu parles! Chaque
"Le silence de la campagne". Tu parles! Chaque matin, mon fermier de voisin enclanche ses pompes à lait. Il m'éveille à 5h45. Puis viennent les bruits des tracteurs, des camions, le meuglement des vaches, le miaulement des chats, l'aboiement des chiens, le couinement des rats et des souris. Le bruit s'estompe, entre 14 et 16 hrs puis la traite du soir commence: le moteur du groupe électrogène se remet en route. Sauf le dimanche. Certes, je suis toujours réveillé et certes la traite du soir continue. Mais rien, pendant la journée. Le fermier se repose, n'enclenche plus le moteur de ses tracteurs. La camion de la laiterie n'arrive qu'une fois par jour, vers 23 hrs. Le silence du dimanche est tel qu'il me perturbe. Il me rappelle cette arrivée à Boiebar, une village abandonné du Nord-Pakistan, dans la vallée Hunza. Des fracas d'avalanches rocheuses tout autour de nous. Loin, très bas plus loin, le torrent de la rivière charriait un tel magma de roches que c'en était assourdissant. Nous étions fatigués de déjà quatre jours de trekking assez éprouvants. Chef de groupe, je décide que nous passerons la nuit là: la descente vers une sorte de village habité s'avèrant trop longue pour ce qu'il nous restait de jour. J'avise une sorte de "maison", un peu moins détruite que les autres. J'y pénètre. Tout de suite, je suis ébahi: un silence total, presque inhumain. Je n'entends même pas les discussions et les palabres de mes compagnons de "promenade", pourtant à peine distants de quelques mètres. Rien. Comme si, entrant dans ce lieu, j'avais occulté le monde, sa vie, ses bruits surtout. Aurais-je été victime de je ne sais quel mal de montagne qui rendrait sourd (Nous sommes à plus de 4500 mètres d'altitude). Je n'ai pourtant pas (clin d'oeil) utilisé ma main gauche! J'invite mes complices à entrer. Ils ressentent tous ce silence opaque, terriblement poignant, étrangement terrifiant. Tous réunis dans cette pièce d'une dizaine de mètres carrés, nous n'osons dire mot. Les ouvertures béantes cependant ne laissent passer aucun son. Nous nous regardons. C'est tout ce que nous pouvons faire.Nous n'avons pas pu dormir là. Nous avons préféré dormir dans le vacarme des avalanches et les remugles du torrent. L'oppression d'un silence. Le lendemain, nous sommes repartis pour la suite de notre trekking qui nous amènera, 14 jours plus tard, à la frontière chinoise. C'est une autre histoire.