Edgard

Il s'appelait Edgard. C'était le facteur de mon village. Sa tournée, il la faisait à vélo, une grosse sacoche posée sur la roue avant. Il m'aimait bien car, à cette époque (1975) j'étais éditeur de poésie et étudiant: j'avais du temps et j'étais presque le seul, dans mon village, à recevoir tant de courrier. Il arrivait, entrait, s'installait et nous buvions ensemble une bouteille de vin ou de pèkèt - un alcool de grains. Parfois, il était tellement saoul que je mettais son vélo dans ma 2CV et le reconduisais à la poste après l'avoir aidé à terminer sa tournée. C'était cela, la Poste, à cette époque. Aujourd'hui, je reçois des avis me disant que ma boîte aux lettres n'est pas conforme aux dispositions légales: le n° de ma maison n'est pas assez apparent; l'ouverture dépasse de 3 cms; on ne peut pas y insérer des colis dépassant deux kilos. Mon facteur est sympa, certes. Il vient en bagnole et n'a pas le temps sinon de me dire, quand je m'approche vers lui pour lui en faire gagner, du temps: "fait beau, hein, aujourd'hui" ou "quel pourri temps". J'ai revu Edgard voilà quinze ans. Ma fille travaillait dans la grande île de Majorque. J'avais reçu, pour elle,un courrier administratif assez urgent, qu'elle devait signer. Contacté, Edgard m'avais prêté son uniforme (veste, pantalon, casquette). C'est ainsi affublé que je me suis présenté chez ma fifille. Comme un facteur. Sans la prévenir. C'était comme cela, dans le temps. Je suis heureux de l'avoir vécu, ce temps-là. Mélancolie, quand tu nous tiens!!!  

Comments

[josephorban]

C'est quand même mieux avec Bepost. Bientôt, le courrier sera déposé à 20 heures.

[Sidonie]

Je me demande si Jacques Tati ne s'est pas inspiré d'Edgard dans "Jour de Fête"!