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Au presque quotidien
1 septembre 2013

Tiens!

J'ai encore envie d'écrire! A propos des médecins. Des docteurs, comme on les appelait dans le temps. La raison: en rangeant de vieux papiers dans mon grenier, j'ai retrouvé une très vieille photo, terriblement jaunie (elle date de 1933). On y voit le docteur Cloots (un médecin généraliste) en train de réparer l'oeil de mon papa, alors âgé de huit ans. Le petit avion en plastique qu'il avait envoyé en l'air à l'aide d'un élastique était revenu et lui avait coupé l'oeil en deux. Le docteur avait extirpé l'oeil à l'aide d'une petite cuiller (on voit l'oeil et le nerf sortis de la tête de papa, posés sur une petite assiette. Le docteur est en train de suturer la plaie. Cela se passait dans la cuisine familiale). La pupille de papa n'a plus jamais pu s'agrandir. De cet oeil-là, il ne voyait plus bien dans le noir. Les temps ont bien changé. Ils sont rares, les médecins dits "de famille". Il existe des maisons médicales, des médecins traitants. Il faut être abonné (même si la onzième consultation n'est pas gratuite). Une carte de fidélité. N'en déplaise à certains de mes amis qui font partie de ce genre de jeu (que je considère comme extrêmement malsain car ils sont payés au fixe et non à la prestation... du coup, ils tentent d'en faire le moins possible - et c'est compréhensif (qui ne le ferait pas?) Ils gagnent beaucoup plus que d'habitude), je vais jeter beaucoup de sel dans la soupe, jusqu'à ce qu'elle en devienne immangeable. F. était mon médecin. Une maison médicale s'est ouverte à Aywaille. Il en fait partie. Je précise que je ne fais appel au médecin qu'en cas d'urgence...sinon, je me soigne - et soignais mes enfants comme il me semblait devoir le faire. J'étais scout-secouriste, quand même. J'eus un accident. La lettre que je lui envoyai relate les faits: pas besoin d'en remettre.

Mon cher, j'espère que vous êtes heureux, toi et les tiens. Si je me permets de t'écrire ces quelques mots, ce n'est que pour une raison: annihiler en moi le besoin et l'envie que je ressens d'aller mettre une bombe dans les locaux de la maison médicale dont tu fais partie, de tuer tout le monde, d'en faire de la charpie et puis, conscience tranquille, de passer ma vie derrière les barreaux parce que, franchement, j'aurai le sentiment du devoir accompli. Mais cela en vaut-il la peine? Je préfère te narrer la raison de ce coup de colère. Je me suis donné un coup de tronçonneuse dans le gras du pouce gauche. Belle charpie, beau filet américain, belles giclées de sang. J'éponge, je garrotte, je bétadine, je pommade, je serre puis je lave ( ça fait mal), je repommade, je re-gaze. La plaie n'est pas belle. Passent cinq jours. Des croûtes se forment, qui s'arrachent (mon métier n'est pas fait pour être de tout repos). Parfois, mon pouce s'endort (zut, un nerf a peut-être été touché). Un de mes clients, médecin à la retraite, me conseille vivement d'aller consulter - la plaie commençant à suppurer. Je téléphone donc à la maison médicale dont tu fais partie. 

- Quel est votre médecin traitant?

- Je n'en ai pas vraiment...mais lorsque j'ai besoin, vraiment, d'un médecin, je fais appel à Mr. F.

Il n'est pas là pour l'instant. C'est le Dr. M. mais je doute qu'il possède ce qu'il faut pour vous soigner. Rappelez plus tard. Plus tard:

- Le Dr. M. ne pourra vous recevoir. Nous ne sommes pas un service d'urgence. Faites appel à votre médecin traitant ou rendez-vous au service des urgences d'un hôpital de Liège. Ici, nous ne recevons que la patientèle (je hais ce mot) habituelle.

-Merci, madame, je vais m'arranger. Merci beaucoup de votre sollicitude et du soin que vous prenez à résoudre le problème des gens.

Alors, m'fi, docteur F. C'est quoi, ce truc? Mon pouce est toujours en l'état. Vous vous prenez pour qui, en refusant de soigner un quidam? Quelqu'un se ferait-il écraser devant les locaux de votre maison dite médicale que vous refuseriez de le soigner sous le prétexte qu'il n'est pas sur votre liste? (...) C'est en ce sens que, parfois, je comprends le terrorisme: quand toutes les portes sont fermées. Disons, plus précisément: quand tout le monde ferme ses portes. Je t'envoie un pouce d'honneur...enfin, ce qu'il reste du mien. J'ai envoyé cette lettre par la poste. Le surlendemain, F. arrivait chez moi, assez dépité. Il n'y avait plus rien à faire pour mon pouce (J'avais récuré tout seul et remis les morceaux en place). J'en ai encore deux ou trois autres, des histoires comme cela...mais ce sera pour une autre fois, quand la rage me reprendra encore.          

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