Colère, humiliation
Bien à l'écart des questions existentielles (sociales, morales, financières, etc...), ce qui me taraude le plus chaque
matin c'est cette interrogation, moins futile qu'il n'y paraît: "que vais-je préparer pour le dîner de ce soir?". Car
la réponse dépend de mon imagination, de l'épaisseur de mon portefeuille, de l'endroit où je vais travailler - certains
magasins sont ici et d'autres plus proches encore -, du temps que j'ai, des personnes qui accompagneront ce repas, etc.
Ce matin, ayant bien logistiqué tous les paramètres et les avoir logiquement assemblés ( et surtout avoir trouvé une
recette qui me convenait parfaitement dans mon magazine TV), j'opte pour un magret de canard laqué aux épices.
Cinq étoiles, moyennement cher, très facile, 35 minutes cuisson comprise: par-fait! Travail terminé, j'entre dans mon
super-marché, en quête de quelques ingrédients, dont un potiquet de "quatre-épices". In-trou-va-ble. Pourtant, j'avais
pris la précaution d'emporter mes lunettes. C'est peu de le dire: on nous prend vraiment pour des demeurés mentaux,
des autistes culinaires, des moins que rien de la casserole, des ignares du poêlon, des trous de cul de l'assaisonnement
car, dans le magasin Delhaize qui m'était chéri, on ne trouve plus, au rayon "Epices", que des petits pots "Mélange...".
Je jure que je ne mens pas: Mélange pour pâtes, pour pitas, pour pommes de terre, pour viandes rouges, pour viandes
blanches, pour poissons, pour cuisine chinoise et arabe, au wok, pour salades... et bien bien bien d'autres. Je fus
humilié de comprendre que mon éventuel savoir-faire était ainsi bafoué et en colère car -puisque j'avais pris mes
lunettes et que j'avais un peu de temps - j'ai pris la peine de regarder les ingrédients de tous ces mélanges: du sel, du
poivre (50%) puis un peu de tout suivant la destination.
Bon! Je m'en vais mettre le dernier masque que je viens de fabriquer et tenter d'aller faire peur à tous ces gens.
ps. A moins que vous ne vouliez l'acheter, la souche de mon pommier est terminée. Elle trône sur le perron, pour
effrayer les importuns. La voilà donc hors de mes bras, tendant les siens aux vôtres. Bouh!